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Journal de liberté

Par rewinder

392 réponses


rewinder - 04/09/2023 à 22h12

Un nouvel extrait de "Sparadrap". J'ai structuré ce bouquin comme une chanson : intro, couplet, refrain, pont, couplet 2, 3, etc. Et puis trois "break", qui sont les trois fois où l'alcool a failli me tuer. Voici le 1er d'entre eux.

"1er Break : 54 fractures

Je sors lentement de l’inconscience. Il fait nuit. Je suis au bord d’une route, allongé sur un petit parking en béton. Je cherche à savoir l’heure qu’il est : je n’ai plus de montre. Elle n’est pas autour de moi. Mon scooter, lui, est au sol. Ma tête me fait mal. Horriblement mal. Je redresse ma machine, je reprends la route. Je ne suis qu’à une dizaine de kilomètres de mon domicile.
Tous ces souvenirs sont très flous, à part le souvenir de la disparition de ma montre, assez précis. J’adorais cette montre avec son bracelet en acier, que m’avait offerte ma mère.
Je ne me souviens pas de la route jusqu’à chez moi. Mais je me souviens très clairement être arrivé péniblement jusqu’à la maison que j’occupais dans ce petit village du sud de l’Ardèche. Je n’ai pas le courage de rentrer mon scooter dans la cave, alors je le laisse dans l’impasse, trop petite de toute façon pour laisser passer autre chose qu’un deux roues, je ne gênerais personne. Je monte péniblement l’escalier qui mène jusqu’à l’entrée de la maison. Je traverse la pièce principale, monte les quelques marches qui mène à la salle de bain. Ma tête me fait de plus en plus mal, j’en pleure de douleur. Malgré mon état d’alcoolisation avancé, je suis conscient que quelque chose ne va pas. Ce « mode survie » qui s’est déjà allumé en moi et s’allumera encore de nombreuses fois, ce mode survie qui, contre vents et marées, me dit que je veux vivre, même quand j’ai envie de mourir, ce mode survie tourne à plein régime en cet instant.
Arrivé devant le lavabo, je vois que oui, quelque chose ne va pas. Je ne me rappelle pas quoi. Mais cela me donne l’envie d’enlever mon casque. Je dois m’y prendre à plusieurs reprises : c’est un casque ouvert, qui ne protège pas mon menton. Mais les mouvements sur mon crâne sont super douloureux. Je fini par y arriver. Je crois me souvenir que j’ai commencé par vomir. Puis je me suis regardé dans la glace : et j’ai failli tomber dans les pommes en voyant mon visage.
Je suis ensuite monté à l’étage, dans ma chambre, pour dormir - et cuver.

Le lendemain matin, je me réveille - disons plutôt que je sors du sommeil. Je me rappelle ce que j’ai vu dans le miroir la veille. Mais bon, je décrète qu’il suffira que j’aille, le lendemain lundi, à la consultation sans rendez-vous d’un médecin généraliste que je connais un peu. Je descend dans la pièce principale, mets une cassette dans mon magnétoscope et m’étale dans le canapé. Rien de mieux à faire un lendemain de cuite, de toute façon.
Quelque temps après, la porte d’entrée s’ouvre, sous la main de mon amie Karine, qui vit dans le même village. Son visage pâlit quand elle m’aperçoit. « Qu’est-ce qu’il t’es arrivé ? »
Je lui raconte, d’une voix pateuse, la fin de ma soirée. Je m’aperçois par la même occasion que parler est douloureux. Ouvrir la bouche est douloureux, en fait, je m’en était déjà aperçu en essayant de boire un peu d’eau.
J’explique à Karine que ce n’est pas grave, et que je vais aller voir ce médecin généraliste, demain. Elle entreprend alors, avec une infinie patience, de me convaincre que c’est plus grave que je ne l’estime. Elle parvient même à m’extirper l’autorisation d’appeler le médecin de garde.
Lequel arrive presque une heure après. Il franchit le seuil de la porte, s’arrête, me demande ce qui m’est arrivé, pendant qu’il sort son téléphone portable pour appeler les pompiers, afin qu’une ambulance vienne m’embarquer de toute urgence, pour m’emmener à la clinique la plus proche.

Voilà, premier break dans ma chanson. Le scanner de la tête que je passerais ensuite révélera 54 fractures, dont ce qu’on appelle un « syndrome de Lefort », c’est à dire un ensemble de fractures multiples du maxillaire inférieur. Je passerai huit heures sur une table d’opération à l’hôpital Lyon Sud pour réduire ce Lefort, opéré par l’unique chirurgien maxillo-facial de France qui ait accepté de s’occuper de mon cas jugé complexe. C’était le 8 juin 2002. La première fois que mon alcoolisme a failli me tuer.
Je ne sais pas, et je pense que je ne saurais jamais, ce qui m’est arrivé. La version que j’ai raconté est que j’ai chuté avec le scooter. Mais la machine était en bon état, ne portait aucune trace d’un accident. Mes souvenirs avant ce réveil sur un bord de route était simple : j’étais allé au vernissage d’un artiste quelconque, je m’étais soigneusement mis à l’envers. J’étais triste depuis plusieurs semaines suite à une déception amoureuse. Je me souviens confusément m’être dit que je ferais les quelques qu’amantes kilomètres qui me séparait de mon domicile sans toucher les freins. Pourtant, je le répéte, ma machine n’avait aucune trace d’un quelconque accident. Seul mon visage et mes mains semblaient avoir subi des chocs.
L’un des médecins qui m’a traité, dans la clinique où j’ai été hospitalisé à la demande du médecin de garde, a dit à mon patron de l’époque, venu prendre des nouvelles, que mes blessures « ressemblaient à celle qu’on a dans une bagarre ». Mais je n’ai aucun souvenir d’une bagarre.
En résumé : je me suis retrouvé avec 54 fractures au visage sans savoir du tout comment cela m’était arrivé."

rewinder - 04/09/2023 à 22h19

MiniMelu, content d'avoir de tes nouvelles, surtout qu'elles sont bonnes. Oui, la sobriété peut être contagieuse, je l'ai vécu cet été avec un pote, à qui j'ai raconté mon histoire, sans prendre de gant. D'aprés sa compagne, il a mis la pédale douce, est passé au CBD, limite sa conso de bière.
Tiens bon, tu tiens le bon bout toi aussi. Et mets toi à écrire, tu as une belle manière de dire les choses.

A bientôt consoeurs et confrères en liberté !

MiniMelu - 05/09/2023 à 10h59

salut les copains !
Merci, Rewinder. J'écris, j'écris beaucoup, mais trop peu sûre de moi pour laisser mes histoires à lire... ça viendra peut-être happy
Tu as raison, c'est contagieux, et puis il a quelques soucis de santé sous-jacents, qui s'arrangent un peu lorsqu'il est sobre. Entre ça et le fait de me voir mieux, je pense que ça l'encourage. Si seulement... on verra ! Parce que même si je ne le fais pas pour lui, mais d'abord pour moi, si ça peut l'aider, ce sera la cerise sur le gâteau !
J'ai lu le premier couplet et le premier break. Tu écris bien, c'est suffisamment cru pour qu'on se mette à ta place. J'aime ça. Et dire que normalement, là, je devrais être en train de bosser sur mes dossiers (j'ai pas encore fini de rattraper le retard !), mais j'suis en train de lire ta prose... Le jour où tu sors le bouquin, je prends une journée de congés, ça va être dévoré en moins d'deux !
Tiens, hier, j'ai eu une grosse grosse envie de boire un coup (rentrée scolaire, avec les deux ados de chéri à la maison, qui réalisent à 20 h 30 qu'ils ont pas toutes leurs affaires pour aujourd'hui, qui pètent un câble parce que le bus passe trop tôt ou trop tard -va falloir qu'ils attendent devant le lycée dix minutes ou seront en retard de cinq minutes s'ils prennent le bus suivant... bref, c'est usant les gamins de 16 ans !)... ben j'ai pensé à tous les copains de sobriété... et du coup, j'me suis rabattue sur une plaque de chocolat (ouais, c'est moche !).
Bon, cette nuit, j'ai très mal dormi : suées, nausées, maux de tête... le peu de temps de sommeil, j'ai fait des rêves débiles, du genre de ceux qui te mettent mal à l'aise au réveil. Bref, aujourd'hui, c'est pas la grande forme. Mais c'est pas une raison pour aller chercher la bouteille de Muscat à la cave, non mais !
Allez, sur ce, je m'en retourne à mes dossiers !

Bon, Liv, et les autres, je reprends ma lecture de ce fil ce soir, j'ai lu en diagonale, et j'espère que pour vous tous, ça va bien ! Tenons bon, on est sur la bonne voie ! happy

rewinder - 05/09/2023 à 13h39

MiniMelu,

Tu viens de me faire deux tres beaux compliments : 1°) je t'empèche de bosser 2°) tu trouves ça "suffisamment cru, pour qu'on se mette à ma place" : c'est super cool de lire ça. J'ai biberonné à la littérature américaine, de Bukowski à Pahnaliuk en passant par De Lillo et Easton Ellis, je veux écrire un livre qui soit un coup de poing, qui se lise vite et qui te laisse assis au bord du trottoir. Je veux un livre qui puisse parler aussi bien aux heureux veinards qui ont resisté aux sirenes de la gnôle, qu'à celle et ceux qui sont encore au fond, et enfin notre petite horde d'amoureux de la liberté.

Tu as raison, les périodes de reprises d'activité sont des périodes compliquées. Autant les vacances sont de bonnes périodes pour se libérer de la gnole, autant cette dernière te siffle sa chansonnette à la con dès que tu reviens dans le bain des habitudes. C'est là que la baston se gagne. C'est ces jours-ci que tu joue le match. Mais tu vas le gagner, je le sens dans tes mots. la bouteille de Muscat est bien à la cave : il fait frais, y'a pas trop de lumière. Ne l'embêtes pas.

Hold tight, et rendez-vous ici pour les nouvelles aventures de Liv, Rachou, Olivier, Rachou, Floraison, Sunshine, KBB sur la route de la liberté !

Sunshine - 07/09/2023 à 20h10

Salut Rewinder, salut tout le monde,

C’est gentil d’avoir pensé à moi pour les nouvelles happy
Moi ça va bien mieux depuis presque 3 semaines j’ai repris le contrôle, après une période sombre, une de plus.
Je me sens bien, je veux juste que ça dure encore et encore.
Courage à tous, j’adore vous lire. Ça m’aide beaucoup.
Rewinder ton extrait est génial j’ai adoré !
À plus !

MiniMelu - 08/09/2023 à 14h01

Bonjour les copains !
Désolée d'être moins présente ces jours-ci, mais plein de trucs à gérer à la maison et au taf en ce moment.
Je n'ai qu'une crainte : que la pression ait raison de ma volonté.
Pour le moment ça va. Je n'arrête pas de me dire que les bénéfices de la sobriété sont bien trop importants par rapport à ceux, bien éphémères, que m'apporterait une grosse murge, mais j'avoue qu'il y a des moments bien difficiles, ces jours-ci.
Demain, je vais à un concert. Je me connais, je vais avoir envie d'une bière (ou deux, ou douze, c'est surtout ça le problème). Je vais penser beaucoup à vous, et je vais prendre un soft !
Bon weekend à tous,
Force et courage (on est sur le bon chemin, sinon, on ne serait pas là, à discuter sur ce forum).

Sunshine - 08/09/2023 à 18h54

Courage MiniMelu, j’ai testé aussi concert sobre (pour la première fois de ma vie je crois) l’été dernier dans une période d’abstinence.

J’avais peur de moins aimer, de me sentir décalée et enfaite j’ai eu la bonne surprise de me rendre compte que j’ai adoré ! Je me suis éclatée.
Courage à tous et bon week-end !

rewinder - 08/09/2023 à 19h47

Oui MiniMelu, je rejoins tout à fait la camarade Sunshine : un concert sobre, c'est juste... mieux. En tant que musicien, c'est carrément le top, tu profites de chaque instant et de chaque seconde.
Et cerise sur le gateau : LE LENDEMAIN TU TE RAPPELLES DE TOUT.

Je te sens inquiète, tiens bon tu vas y arriver. Si tu sens arriver un craving essaye l'Acetylscysteine, c'est une aide super efficace. On pense à toi, tu vas y arriver !

Liv - 13/09/2023 à 10h26

Coucou mes chers compagnons de voyage !
Je m’excuse d’avance pour le pavé, je rattrape les réponses à votre fil depuis une dizaine de jours et il y en a des choses happy
Avant tout, Rewind
er, ça alors, « La horde des amoureux de la liberté » ! Ça c’est du titre pour ton 3e bouquin ! (ou plutôt le 5e puisque tu as une trilogie en cours à côté du Sparadrap ^^. J’achèterais un livre avec ce titre sur le champ ! Écris dedans ce que tu veux, j’aime tellement ta plume que je l’achèterais quoi qu’il raconte ^^ Tu as une plume addictive, tu crées des figures imagées qui tapent dans le mille. Aucun doute que tes livres seront à dévorer de la première à la dernière page sans reprendre son souffle ! Je m'inscris sur la liste des préventes!

Me voilà après une dizaine de jours de silence qu’il faut absolument que je casse. Le compteur à abstinence tourne toujours et demain je fêterai mes 2 mois (Fierté, fierté !!), mais j’ai tourné beaucoup mon attention sur mes angoisses de reprise de travail en me reposant sur mes lauriers niveau abstinence et je dois remettre les pendules à l’heure. J’ai senti au cours des derniers jours d’avoir un peu trop relâché mon attention. Je n’ai pas spécialement de sujet à traiter qui exigent de voir mon psy, mais je me suis dit que me tourner vers vous me permettrait de me recentrer sur The priorité.

Mais surtout, j’avais voulu réagir à tes nouvelles et je m’en suis voulu de ne pas prendre ce temps plus tôt. C’est un grand pas que tu t’apprêtes à franchir en retrouvant ton espace à toi, signe tangible du fait que tu te reconstruis. Mais je voulais tout de même te rappeler de rester sur tes gardes car il y a du changement. Je ne sais pas si tu es touché par ce problème mais, en ce qui me concerne, mes tentatives d’amélioration, surtout celles qui sont importantes pour moi, réveillent souvent des envies d’autosabotage. Il ne s’agit probablement que d’une sortie de zone de confort, indépendamment du fait que la zone de confort soit en réalité inconfortable, comme le fait de ne pas avoir un chez-soi. Mais des pensées parasites peuvent s’infiltrer, venant par exemple d’une petite peur qu’on pourrait avoir tendance à ignorer, qui te met la pression en te disant qu’il ne faudrait pas tout faire foirer une fois de plus. Donc, voilà, je me permets juste de te rappeler de rester sur tes gardes, de ne pas faire monter la sauce. Si jamais une pensée de ce genre t’a effleuré, n’oublie pas de lui répondre d’emblée que tu te donnes simplement le droit d’avoir un peu plus de confort de vie, comme si, banalement, on achetait un aspirateur robot pour ne plus avoir à passer le balai tous les jours, et rien de plus. Et tu pourrais ajouter une couche : dur ou pas, tu as déjà prouvé à toi-même que tu es capable de reconstruire. Si donc même tout devait s’effondrer de nouveau pour une raison quelconque, ce serait fatigant, certes, mais tu saurais réagir. Il n’y a donc aucune raison de se mettre la pression par rapport à ton emménagement.
Je fais de la prévention que j’espère superflue, mais sait-on jamais que ça te parle.

Sinon, ton break, ça donne un sacré coup de poing. C’est fou de se dire que l’addiction est tellement forte que même des épisodes de ce genre ne suffisent pas à se dire « Je ne suis pas fou, bien sûr que j’arrête illico ! ». J’ai souvent entendu dire dans le milieu des addictions que les évènements négatifs sont l’élément déclencheur de l’envie d’arrêter. Mais j’ai l’impression que pour une bonne partie d’entre nous il a fallu garder la tête sous l’eau pendant bien longtemps et avoir raclé le fond encore et encore avant de rallumer la lumière à l’étage et commencer à réagir pour de vrai. Raison de plus de faire attention. Il est, certes, possible de se relever, mais ce n’est jamais facile, et parfois pas rapide non plus. Autant faire attention à où on met les pieds pour ne pas trébucher.

MiniMélu, j’ai l’impression qu’en ce moment la vie nous met toutes les deux face au même défi en tout point. Tu n’es pas seule, copine ! Allons-y ensemble, jour après jour, un seul pas à la fois. Je pense qu’il est important d’essayer de prendre soin de nous pour empêcher la pression de trop monter. Mais il fait aussi se rappeler que, stress ou pas, reboire n’arrangera rien, bien au contraire. Ça rajouterait un problème que nous n’avons, enfin, plus. De mon côté, j’essaye de garder cette pensée en tête tous les jours où je vois le stress monter.

Je vous embrasse camarades ! Je vais fort probablement être plus active ici dans les jours qui viennent, histoire de garder le cap.

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