Par chat

Chattez avec
Drogues Info Service

Par téléphone

Drogues Info Service répond
à vos appels 7 jours sur 7

Contactez-nous

Adresses utiles

Forums pour les consommateurs Télécharger en pdf Imprimer Envoyer à un ami

Journal de liberté

Par rewinder

392 réponses


rewinder - 17/08/2023 à 18h35

Rachou,

Le vin blanc de cuisine je connais, vers 20 piges je tournais au Kiravi parce que j'avais pas une thune. Il arrive un moment où il te faut ta dose, quelque soit la gnole, tu prends tout. le corps a désesperément besoin d'abosrber sa dose d'alcool. Durant les presque deux ans ou j'ai bu tout les jours ou presque, j'appelais ça "refaire les niveaux", parce qu'il me fallait une certaine dose d'alcool pour ne plus trembler ou ne plus avoir la nausée.

Je suis heureux de te voir dire que t'es une combattante. Tous les ex-addicts sont des combattants. C'est une foutue guerre, et la combativité peut grandement te servir - même si il ne faut pas la laisser se retourner contre toi.

Ca fait longtemps que je me dit qu'Antisocial est la chanson des addicts, surtout ce couplet que tu cites : "des années de service / de sévices", et puis le temps perdu. Mais le temps ça se regagne, comme la liberté.
Tu vis les plus sales heures, tu le sais puisque tu t'es déjà sevrée. Tes deux jours de cuite ininterrompu, j'ai connu ça aussi, et notamment avant des sevrages. J'appelais ça l'overload, la surcharge en bon français (superbe chanson des Talking Heads qui décrit terriblement bien l'état dans lequel on se retrouve dans ces moments là) . Comme si je cherchais à me dégouter, à me pousser dans mes retranchements. Ca a été le cas de mon dernier sevrage, en novembre dernier. j'ai chargé la barque ras la gueule, avant de passer sept journée de sevrage juste infernales. Et depuis, la liberté.

Dernière chose : l'isolement. C'est le plus grand piège. La gnôle t'enferme. Ici, sur ce site ou sur ce fil de discussion, y'aura toujours du monde, quoi qu'il se passe. "Reléves la gueule, on est là, tes pas seule" . Alors lèves le poing et gueules. Tu vas gagner ce match.

Liv - 18/08/2023 à 12h44

Bonjour à tous!

Olivier a vu sacrement juste, je me suis laissée prendre par l’angoisse. J’ai commencé à me mettre la pression par rapport à mon abstinence en retournant au travail, ce qui n’est pas bon. Un grand merci Olivier pour l’alerte ! Depuis j’essaie de venir à bout de mon sac de nœuds mental. Rewinder, tu m’as vraiment fait réfléchir quand tu as écrit : « un moment, je me suis dit « moi d'abord". Ce n'est pas de l'égoïsme : c'est la responsabilité individuelle de tout adulte. « Charité bien ordonnée commence par soi-même ».

Pas de CIA pour le travail (ou alors je travaille pour la CIA mais je dois mentir à ce sujet car autrement je devrais tous vous tuer et en fait je vouzaime bien ^^). Si j’ai du mal à révéler mon métier est que je trouve qu’il s’agit d’un métier prestigieux, qui m’honore, et je me sens honteuse de le salir avec cette addiction. Je suis enseignante-chercheuse, j’enseigne à la fac donc, et je fais de la recherche. Autant te dire que je comprends tellement quand tu dis que « ce métier, je ne peux pas l'exercer si je ne suis pas au meilleur de moi-même ». Si tu savais combien c’est vrai pour moi aussi. Combien mes pensées sont plus claires, mais surtout, combien me libère le fait de pouvoir travailler sans être dans la négociation constante. (Parenthèse : Nous en parlions il y a quelques pages, de la négociation. Je pense que je tiens le bon bout de ce point de vue-là. Même lors du craving J28 j’ai réussi à ne pas laisser la petite voix s’infiltrer. J’était concentrée sur les 500 stratégies pour gérer, mais à aucun moment « je lâche l’affaire » en a fait partie. Un bon souvenir à mettre dans mon petit bagage de voyage happy )

Il n’empêche que mes alcoolisations sont aujourd’hui le résultat d’une envie de fuite et un mécanisme de gestion du stress. En revanche, c’est l’hiver dernier, en assistant au dernier spectacle de Jérémy Ferrari (que je conseille à tout le monde de voir, ce mec est intelligent et brillant, qu’on le trouve drôle ou pas) je me suis reconnue dans son récit. Dans son spectacle il parle de son addiction à l’alcool et explique avoir découvert être un alcoolique « naturel ». Je ne sais plus si l’expression est la bonne et je n’arrive pas à retrouver ça sur le net, donc ça s’appelle surement autrement. Mais en gros, l’addiction chez lui comme chez moi n’a pas été progressive, on l’a été dès la première fois qu’on a touché à l’alcool. En gros, dès le début, j’ai toujours eu en envie de consommer « plus ». C’est la gestion de cette envie qui m’était possible avant et qui a dégringolé pendant mon Doctorat, puis elle s’est transformée après la fin de la thèse. Je suis encore précaire car les postes de maître de conférences sont trop peu nombreux par rapport aux docteurs qualifiés à aux fonctions de MCF, et en même temps coincée à la porte d’entrée car enseigner c’est ma passion. Donc d’une année sur l’autre je dois toujours être au top, en faire toujours plus, pour essayer, au minimum de faire renouveler mon contrat annuel, et dans l’idéal de passer devant aux recommandés, ou plus simplement être meilleure que les autres. Arriver première à une audition, c’est « tout ce que j’ai à faire ». Donc depuis quelques années, j’ai cette pression folle, avec une charge de travaille que je ne cesse de croître car je ne peux pas refuser des cours, même en heures sup, pour ajouter des lignes à mon CV. En même temps, il est « impérativement exigé » que je fasse de la recherche, et de haut niveau svp. Vous voyez le tableau. L’addiction a trouvé un terrain on ne peut plus fertile. C’est un travail beau mais éprouvant et j’ai fini par consommer en travaillant, pour compenser la fatigue, la lassitude, le besoin de fuir pendant que je dois passer des heures concentrées, dans la solitude, mais aussi pour calmer l’angoisse de passer une année de plus sans un poste fixe. Puis, après les journées chargées de cours et copies à corriger, boire compensait le stress. Je n’ai jamais su faire de pauses au travail. Je ne sais suis pas capable d’insérer du temps pour moi dans les journées de travail. Soit je me mets à travailler et je jette la clef, et ça finit en mal-être, soit je ne travaille pas du tout.

Voilà donc, Mme Liv Bond, votre mission pour cette année, si vous l’acceptez : apprendre à ne pas jeter la clef. Apprendre à laisser une place bien plus importante aux autres choses qui sont importantes pour moi, même pendant les périodes chargées : ma santé, ma maison, ma famille. Voilà mes rochers à apprendre à mettre dans le bocal. Comprendre que je me sens mal quand je m’efface dans le travail et que je peux espérer mieux pou moi. Comme tu le disais si bien il n’y a pas longtemps, pas demain, pas quand j’aurai un CDI. M-a-i-n-t-e-n-a-n-t. Tu as appris à faire ça Rewinder. Pour moi, c’est tout le défi.

Je suis donc vos conseils. Celui d’Olivier : j’ai reporté la reprise du travail à lundi prochain. Celui de Rewinder : je prends encore ces quelques jours pour ranger ma cave et faire mon changement d’armoire, afin d’avoir un peu plus les bon prêt à porter de gestion du stress au travail. Il n’aurait effectivement pas été sage que je reprenne avec ce niveau d’angoisse.

Enfin, Olivier : merci aussi pour le podcast sur l’anxiété, j’ai commencé à l’écouter, il est vraiment très bien ! et merci pour les tuyaux sur la respiration holotropique, j’essayerai à l’occasion, ça me fait un peu flipper, mais en même temps je suis curieuse…

MiniMélu, si tu nous lit, comment ça va ? Donne-nous de nouvelles, quelles qu’elles soient !

Rachou : bienvenue !! Oui, arrêter ça existe. Ça m’a aussi fait tellement de bien de lire ce bon Rewinder qui nous réunit ici, qui m’a aussi rappelé que c’était possible. Et aussi de se relever, encore et encore. Autant de fois qu’il le faut.

Rewinder, je ne me lasse pas de te remercier ^^. Ce forum m’a fait comprendre que je ne suis pas seule et ça a tout changé. Rachou, fais-en ta force aussi !

rewinder - 18/08/2023 à 13h31

Salut Liv Bond !

je comprends mieux la quantité de stress que tu as à gérer : j'ai de nombreux amis enseignants, dont quelques enseignants chercheurs, qui me racontent leur situation. Vous avez affaire à deux organismes maltraitants : le ministère de l'Education et celui de la Recherche... Maltraitants car malade eux même de directives ou de politiques claires. Ce n'est pas seulement ton métier qui est stressant - car le face à face pédagogique, aussi passionnant soit-il, est épuisant, du moins quand on le fait bien, car on s'y implique entièrement. Mais c'est aussi ta propre "survie" en quelque sorte qui est en jeu.
Si tu étais en provence, je te conseillerais de pratiquer le Yoga d'une amie, qui a vécu 35 ans en Inde, et pratique un yoga zen, art de la détente fondé sur la respiration et la gestion des méridiens fondé par le japonais Matsunaga. Elle a pour élèves pas mal de profs de la fac d'Avignon, ainsi qu'une directrice de Pole Emploi ou une directrice d'hopital, bref des gens en situation de stress professionnel chronique.
A titre personnel, étant plutot rondouillard, je n'ai jamais pu réellement pratiquer le yoga. Mais par contre j'ai beaucoup appris avec elle sur les respirations. J'ai aussi appris avec Pascal Mazzani la "marche afghane" : tu cales tes pas sur la respiration, exemple deux pas sur l'inspire, deux pas sur l'expire. Le souffle et la maitrise du souffle sont des outils extremement puissants à mon avis. Et l'avantage, c'est que tu peux pratiquer des inspires/expires lent (qui te permettet de réduire le stress, même face à une personne ou en réunion, ou dans ta voiture, etc...
je comprends ce que tu dis sur "l'alcool naturel" : je vais publier les pages de "Sparadrap" concernant ma premiere expérience alcoolique, tu comprendras que je suis face au même problème. Concernant Jerémy Ferrari, puis-je te conseiller son "duo impossible" avec Artus, "Sylvain le Serial Killer" . Je le connais par coeur mais il me fait toujours autant mourir de rire. Attention, humour au décapant thermique.
Le rire est d'ailleurs aussi un outil de régulation du stress, autant qu'il est un terreau de l'intelligence globale. Et on peut en user sans modération. Parfois pas avec n'importe qui, mais c'est un autre débat.

je relisais tout à l'heure tes différents post depuis le début de ta présence sur ce fil. Tu devrais faire la même chose, tu t'apercevrais de la vitesse à laquelle tu avances. Je suis impressionné, tu fais un super boulot sur toi. Tu as eu raison de reculer ta rentrée, de te préparer pour passer l'obstacle. Tu vas y arriver Liv'. Et de toute façon, on sera tous là pour causer, te proposer des idées, des retours d'expériences, même si toutes les situations sont différentes. TU VA Y ARRIVER !

rewinder - 18/08/2023 à 13h34

Voici donc le "1er couplet" de Sparadrap, qui raconte ma premiere cuite.

"1er Couplet : premier rendez-vous
J'ai pris ma première cuite à l'âge de 15 ans dans une Bar Mitzvah. Je ne tire aucune fierté de cela, bien évidemment... quoi que. La plupart de mes potes ont connu leur premier excès éthylique dans un bar, dans une fête entre copains, voire dans une fête de famille. Moi, étant un goy, j'ai fait ça dans une Bar Mitzvah. Comment dirais mon Boris Vian préféré : "j'suis snob".
Je vous raconte ce que j'ai gardé comme souvenir de cette histoire, et je vous raconterais aussi le très peu qu'on m'en a raconté. Mais le choix qu'a fait ma cervelle, au fil des années, le souvenir le plus vif que j'ai gardé de cette première cuite est un signe. Comme si une partie de moi, dès cet âge précoce de quinze ans, avait su que cet anecdote n'en était pas une, que ce genre de situation allait être amenée à se répéter au fil des ans, jusqu'à se produire tous les jours pendant plus d'une année. Comme si mon cerveau avait voulu me prévenir, en ne gardant en stock que le pire moment de cette première fois.

J'étais arrivé en seconde, tant bien que mal. Depuis la quatrième, j'avais arrêté de travailler à l'école, avec la volonté de ne plus être un bon garçon. J'avais redoublé ma troisième, mais manque de chance : j'avais eu un formidable professeur de français, qui avait su agiter devant moi les bons livres, et m'avait ainsi permis, la seconde année, d'avoir une note plus que satisfaisante à mon BEPC.
Depuis l'âge de 13 ans, je jouais de la batterie, dans des groupes dont les qualités musicales étaient inversement proportionnelles à nos prétentions de potentiels superstars du hard-rock. En classe de seconde, je me retrouvais assis à côté d'un jeune homme à la moue boudeuse et aux cheveux noirs : Fabio. Dans l'heure qui suivit le premier cours, j'apprenais qu'il était, lui aussi, musicien. Mais que dans son cas, le talent était proportionnel à ses ambitions. Membre d'une fratrie de musiciens, il était entré au conservatoire à l'âge de quatre ans, et jouait depuis six ans du saxophone, avec comme maitre à jouer John Coltrane. On peut trouver pire comme idéal musical.
Fabio avait trouvé un guitariste pour monter un petit trio de jazz ; mais il lui manquait un batteur. Il eu tôt fait de me réquisitionner, malgré le fait que le seul morceau de jazz que je connaissais était « in the mood » de Glenn Miller, et que mon idéal musical à moi était le batteur bucheron d'ACDC, Phil Rudd. L'apprentissage des mesures à 3 temps fut un cauchemar : mais Fabio n'était pas du genre à lâcher l'affaire. En quelques mois, je parvins à tenir des chabada à peu près acceptable, et à cesser de taper à peu près tout le temps sur la grosse caisse.
Un jeudi de printemps, Fabio arrive au lycée, l'air sombre. Il voulait me parler d'un truc important, me dit-il dans l'escalier qui montait jusqu'aux salles de classes. Mais cela dut attendre l'interclasse, car le sujet, semble-t-il, était complexe.
Et complexe il était. Chacun des frères de Fabio jouait d'un instrument différent : l'un était guitariste, un autre bassiste, un troisième jouait du Fender Rhodes, le quatrième était batteur. Avec Fabio au sax et leur sœur au chant, ils formaient donc un groupe complet. Lequel groupe devait jouer pour la Bar Mitzvah de leur plus jeune frère, le surlendemain. Incidemment, je découvrais donc que Fabio, avec qui j'avais joué un nombre incalculable de vendredi, était issue d'une famille de culture juive, et donc qu'on pouvais être d'une culture religieuse quelconque sans être un prosélyte lourdingue.
Or, ce mercredi soir, le frère batteur s'était cassé la cheville. La droite qui plus est : et jouer un répertoire dansant, sans grosse caisse... eh bien c'est un peu comme peindre la Joconde quand on est manchot. Fabio avait donc soumis mon nom à sa famille, laquelle, n'ayant pas trouvé d'autres solutions, avait résolu de se contenter de moi.
Pour ma part, j'étais partagé. 25% de mon être était à la fois aux anges, et fier comme si j'avais un bar tabac : ce serait mon premier concert (les répétitions dans le garage de mes copains musiciens de hard rock prétentieux, en présence de putatives petites amies, ne pouvant décemment être considérés comme de vrais concerts), et surtout, au côté de musiciens talentueux, tels que les frères et sœurs ainés de mon ami Fabio.
Mais les autres 75% de mon être étaient dans un état de déréliction avancé. Mes jambes semblaient devenu incapables de me porter. L'ensemble de mon système digestif avait apparement décidé de passer en mode alerte maximale. J'étais à peu prés persuadés que des flots de sueurs coulaient de mon front. Par tous les dieux : j'allais faire mon premier concert, et qui plus est en accompagnant des musiciens chevronnés.
Depuis l'instant où Fabio formula ce fabuleux et terrifiant défi, je ne dormis plus. Il m'avait cité quelques morceaux que nous allions jouer : je n'en connaissais aucun, à l'exception de « what d'I say » de Ray Charles que nous jouiions en trio.
Le samedi, j'arrivais dans la salle des fêtes où devait se tenir la fête de famille, dans un état de panique totale et de décomposition avancée. Qui plus est, j'allais devoir jouer sur une batterie qui n'était pas la mienne, réglée pour un musicien qui n'avait pas ma morphologie.
Tout le monde s'installa, en plaisantant, et en s'efforçant, du mieux possible, de me rassurer. Mais loin d'être rassurante, l'aisance de ces musiciens expérimenté me renvoyait à ma propre malaisance. Je me sentais prêt à défaillir. Sur le conseil de Fabio, le premier morceau que nous jouames, lors de la courte répétition prévue avant la cérémonie, fut « What'd'I Say ». Un carnage : j'étais totalement à côté, incapable de jouer en rythme, n'osant pas frapper sur les caisses de peur que l'on m'entende.
Je vis les frangins se regarder, Fabio, quand à lui fixait obstinément la salle dans laquelle il n'y avait pourtant encore personne. Juste à côté de moi, il y a avait Ephraïm, celui de ses frères qui jouait du Fender Rhodes. Après m'avoir regarder ruisselant de sueur, il hocha la tête rapidement, se leva de son siège et descendit dans la salle. Il en revint avec un verre, contenant visiblement du Coca, d'apres la couleur.
Mais le goût était différent.
5 minutes plus tard, nous avons repris la répétition. Tout me semblait plus facile, mon estomac s'était dénoué, et j'ai eu même la sensation de jouer convenablement. Par contre, ne me demandez pas quels morceaux nous avons joué. Peut-être y'avait il un Beatles ; ou bien un Stones : j’aurais pu jouer du Stockhaüsen sans m'en rendre compte, de toute façon.
Mon souvenir suivant date du lendemain. Je me réveille dans un canapé, dans une salle de séjour. A côté de moi, une bassine. Ma tête est littéralement insultée par la lumière qui entre à flots par la fenêtre. Mon ventre est en état d'apocalypse. Je suis épuisé. Mais dans la cuisine, à l'autre bout du couloir, il ya du bruit. Le pére et la mère de Fabio sont déjà réveillé. Je me sens dans l'obligation d'aller dire bonjour, alors que je n'ai qu'une seule envie : trouver un coin sombre, m'y rouler en boule et dormir tout mon saoul.
Je rentre dans la cuisine. La mère me fusille du regard rapidement. Le père, lui, a un sourire en coin. « Alors, ça va mieux ? Ah, pas encore trop, on dirait. Tu veux manger quelque chose ? » . Je m'excuses, remercie mes hôtes, explique que je suis « barbouillé ». Et là : « ah,ben c'est pas surprenant : hier soir, tu as fini en faisant le tour des tables pour chercher du whisky et du coca ».

Et là, le ciel est tombé sur ma tête une première fois. Ce n'était pas le ciel, à dire vrai : c'était la honte. Cette honte incommensurable qui te chope au colback le lendemain de la cuite. Cette honte d'avoir agit comme un étranger à toi-même. De t'être comporté comme un animal, en quête de sa pitance. C'était la première, malheureusement pas la dernière.
La honte, ce trou noir dévoreur de fierté. La honte, ce sentiment qui te dévore l'âme aussi sûrement que l'alcool te ronge les entrailles. Ce poison qui te défait, te déconstruit, te rend socialement impotent. C'est elle, le seul souvenir clair que j'ai gardé de mon premier concert. Elle que j'ai souvent gardé des cuites suivantes. Cette honte qu'il m'a fallu combattre pied à pied jusqu'à enfin parvenir à être sobre. Car la seule façon d'oublier la honte, sinon... était de boire. La blague est vraie : « pourquoi vous buvez ? » / « pour oublier » / « pour oublier quoi ? » / « Que je bois. »

Liv - 22/08/2023 à 12h07

Cher Rewinder,
Chers amis,
J'aurais plein de choses à répondre mais, il y a quelque jours, j'ai bien commencé à descendre dans ma cave. Je me fais silencieuse pour rester dans mon introspection.
Mais j'ai fièrement accroché à mon petit bracelet un 1, pour 1 mois, et un 7 pour 7 jours.
Spoil. Il s'avère que c'est d'un burn-out que je dois me relever, ce que mon saut dans l'abstinence avait un peu caché. Il est moins violent que celui que j'ai vécu l'année dernière et celle d'avant, raison pour laquelle je pensais être sortie de cette année plus ou moins indemne, mais encore une fois, il est arrivé à la fin de l'année académique, après la série errantante d'entretiens d'embauche pour des postes MCF, puis de contractuelle. Mais c'est bien un burn-out. C'est ce qui explique mon angoisse de la reprise et que la'peur de la rechute amplifie.
Je suis plongée dans l'auto analyse avec un bon bouquin sur le sujet et demain je verrai enfin mon psy.
Affaire à suivre donc, je vous donnerai des nouvelles quand j'aurai commencé à enlever la poussière dans cette grande cave et nettoyé les fenêtres pour y voir plus clair, mais je ne manquerai pas de revenir. Je vous embrasse !

rewinder - 22/08/2023 à 20h30

Salut Liv', si tu descends dans ta cave, alors va falloir t'appeler BatLiv'...

Vu de l'extérieur, de cet espèce d'étrange fenêtre, c'est tellement beau ce qu'on voit évoluer chez toi : Tu affrontes le craving, tu l'identifie, tu le vaincs, tu pose peu à peu des mots sur cet étrange construction qu'est ton addiction à toi, le rapport qu'elle a avec ta situation professionnelle. Maintenant tu affrontes ce burn-out, tout pareil, bien dans les yeux, doucement mais fermement.. Tu prends le temps de descendre dans ta cave, et tu as mille fois raison de prendre ton temps, de t'installer assise en tailleur au milieu des cartons et de la poussière, de t'habituer à l'obscurité, de te faire à l'idée que cette cave aussi c'est toi, il n'y a pas que des belles choses sans doute, mais tout ça c'est toi. Prendre le temps de commencer à aimer cette cave. Et puis, tu va sentir que des envies émergent, tu ne sauras pas trop d'ou : "tiens, qu'est-ce qu'il y a là ? " Et puis ce vieux truc, là, je me trimballe depuis des années, mais j'en fais rien"... Une psy que j'écoutais sur France Culture récemmeent disais "Freud pensait que le simple fait de ses dire la vérité à soi-même avait une vertu thérapeutique. Perso, j'en suis convaincu -

Tu descends dans ta cave, mais j'ai l'impression qu'en faisant cela, tu t'envoles, que tu déploies tes ailes toutes rabougries par l'angoisse, la souffrance, la dépendance. C'est juste du bonheur.

Bon séjour dans ta cave, donnes des nouvelles quand tu as envie, n'oublie pas quand même de dormir comme un chat, car la gnôle reste en veille quelque part, et parfois elle n'aime rien tant que de sauter dessus à un moment ou tu es dans l'euphorie de cet envol. Elle ne t'auras pas, j'ai confiance, tes ailes sont de plus en plus grandes et fortes. Mais fais gaffe quand même. Et quand tu devras retourner au fight professionnel, n'oublie pas, on est là si il y a besoin. Mes respects, gente dame.

Liv - 03/09/2023 à 23h03

Haha, j'adore Bât Liv! Je m'y vois avec ma petite cape et mon masque en forme de chauve-souris pendant que je déballe mes cartons ^^

Donc... Me revoilà, comme promis ! Vous n'allez pas vous débarrasser si facilement de moi, mwhahaha (rire maléfique).

Et... 1 mois et 20 jours tous ronds au compteur. Booyaka!

Pas encore de reprise de travail. L'introspection a été intense et heureusement suivie par une semaine de vacances et de décompression totale, comme je n'arrivais pas à faire depuis longtemps. Et l'abstinence dans tout ça... un cadeau. J'ai profité, profité, profité de chaque seconde avec une profonde sérénité que les quelques envies qui sont passées n'ont pas pu vraiment abîmer. Je savoure ce bien-être béni.

Demain je vais réouvrir gentiment mon agenda professionnel.
J'ai failli mettre le mot gentiment entre guillemets, parce que je n'ai jamais repris le boulot gentiment, ce qui fait qu'il y a encore 2 semaines, j'aurais bien écrit "gentiment". Mais c'est bien ce qu'il faut que je change.

Le livre sur le burn-out que j'ai dévoré s'appelle "Se reconstruire après un burn-out" et je dois vraiment le conseiller à ceux et celles qui cumulent les problèmes, comme ça a été mon cas. Une vrai pépite et guide d'introspection, comme j'en ai rarement trouvés. Le bouquin m'a permis de mettre noir sur blanc, non seulement la spirale qui m'a conduite à l'épuisement, mais aussi de voir clairement comment mes comportements au travail m'ont poussée dans l'addiction. Impossible de me cacher derrière mon petit doigts après ça. Je vais donc avoir de nouvelles règles de vie, comme commencer à remplir mon agenda par mes priorités hors boulot, dont la première est de garder le cap tous les jours sur mon abstinence.

Et derrière tout ça j'ai fini aussi par comprendre que la clef de mon excès de travail est un perfectionnisme bien bien poussé. Étant chercheuse, la solution était toute trouvée : autre bouquin. Et là, énorme découverte. Il paraît que les gens normaux regardent d'abord combien de temps ils ont pour rendre un boulot, et décident comment le faire en fonction de ce petit détail qui est le temps. Whhhat? Nan, impossible, jamais fait. J'ai trouvé un exemple de rétroplanning qui m'a fait comprendre... oyez, oyez... que si je dois écrire 10 pages par jour, il faut qu'à la fin de la matinée j'en ai 5 environ, donc disons 1,5 par heure environ, sans me perdre en précisions et détails dont mes étudiants n'auront absolument pas besoin. Incroyable, n'est-ce pas? En bonne néophyte, je vais donc m'entraîner. Je te dirai comment ça se passe, j'ai un cours à monter pendant ce mois-ci.

J'ai regardé le sketch de Jérémy Ferrari que tu m'as conseillé, à tomber par terre! J'adore!!

Comment vas-tu sinon? Les autres? Comment allez-vous?

Le Sparadrap avance? Il me tarde de lire les nouvelles pages!

Pour le yoga, j'en ai fait il y a quelques années, avant de me noyer dans le boulot, et c'est vrai que ça me donnait une bonne bulle d'oxygène. Je connais pas le Yoga zen, mais je sais qu'il vise à faire le vide et je pense qu'effectivement il pourrait me faire du bien. J'ai lu qu'une séance ne peut pas durer moins qu'une bonne demie heure, donc je pourrais l'essayer une fois par semaine dans mon nouveau emploi du temps flambant neuf.

Je fais la mariolle, mais ce changement drastique de rythme de vie et de mode de travail me fiche la trouille. Mais je sais que c'est important et pour la très bonne cause: garder le cap abstinence et faire en sorte de le laisser à la première place. Si la voie est celle-là, je prendrai le temps qu'il faudra pour apprendre à "moins bien" travailler...

rewinder - 04/09/2023 à 11h19

Salut Bat Liv !
Comme toujours heureux de lire toutes ces bonnes nouvelles. Tu as effectivement un gros cap à passer avec la rentrée qui s'annonce, mais comme je te l'ai déjà écrit, tu me semble de plus en plus prête à affronter, même si ça risque de tanguer, peut-être pas les premiers jours mais après.
La perfection... vaste question. Je te sufggère d'en explorer les arcanes philosophiques et épistémologique. Perfection, pureté and co sont des construits tant sociaux qu'idéologiques.
Pour ma part, j'ai appris avec l'écriture et la musique qu'il faut savoir "lacher prise" : la perfection est inatteignable. Une ligne de basse, une phrase peuvent toujours être améliorées, sans cesse : mais il est un moment où il fat les laisser aller pour qu'elles vivent leur vie.
Sans oublier que les imperfections sont toujours, au final, ce que donne du grain à la vie. Une amie qui m'est chére a un léger zozotement qui la rend irresistible ; le craquement du vinyl rend la musique plus chaleureuse que la froideur parfaite du CD ; l'écriture épouvantablement chiante de Pierre Bourdieu crée pour ses lecteurs un sentiment de complicité, quand enfin ils parviennent à comprendre la théorie du champ social...
Les défauts, les imperfections sont partie prenante de notre être profond : qualité et défaut, grace et imperfection : yin et yang. Et il en est de nos travaux et réalisations comme de nous.

Voilà, sinon ici ça roulotte, je me prépare à emménager dans un nouvel appart, où je vais pouvoir m'aménager ce que j'appelle un "labo", à savoir un espace de travail ou je rassemble la production vidéo, musicale et littéraire, les trois poles de mon activité. Cela fait deux ans que je vis à droite et à gauche, hebergé par des amis, l'alcool m'ayant amené vraiment très loin. Je vais enfi retrouver un territoire, et pour moi c'est un peu remettre le pied sur terre. Autant dire que ce sont des moments forts et intense qui m'attende.

Quand à Sparadrap, il est un peu en stand by ces derniers jours, du fait précisément de cette préparation d'emménagement. Mais il sera "au coeur du labo", quand je l'aurais recréé dans quelques jours.

MiniMelu - 04/09/2023 à 11h58

Bonjour les copains !

Me voilà de retour après presque un mois happy
Ici, tout va bien !
Un mois et 5 jours sobre (à part une toute petite incartade, que j'avais signalée au début...).
On est partis en vacances. Le premier soir, Chéri avait acheté une bouteille d'apéro pour lui (saloperie de Ricard !) et pour moi (saloperie de Muscat). Eh ben ! On est repartis au bout d'une semaine avec la bouteille de Ricard à moitié pleine et la bouteille de Muscat même pas ouverte.
On était bien déconnectés de tout (une des raisons pour lesquelles je n'ai pas donné de nouvelles), puisque le camping n'avait aucune connexion mobile, très pratique pour qui veut se couper du monde.
Au programme des vacances : farniente, pêche pour Chéri, rando pour moi (j'me suis épatée, moi qui ne marchais plus beaucoup, j'en ai fait une de 20 km !), découverte des environs, visites de vieilles pierres, piscine (bon, mon maillot de bains était un peu trop grand, j'ai perdu 4 kilos, du coup, je me suis récompensée en m'en offrant un autre)....
Le retour à la maison a été moins difficile que je le craignais. Reprise des habitudes, du quotidien etc... j'avais un peu peur que la montagne de lessives à faire, les problèmes administratifs à régler avec les ados à la maison ne viennent à bout de ma détermination, et j'avoue que j'ai failli craquer une paire de fois, d'autant que Chéri, lui, même s'il a considérablement réduit sa conso (on passe d'une bouteille d'un litre de Ricard pour deux jours à une bouteille d'un demi-litre par semaine !), il ne se gêne quand même pas trop pour boire son coup devant moi... Mais non, j'ai encore tourné au jus de pomme et au jus d'orange !
Reprise du taf aujourd'hui, et comme je m'y attendais, mes collègues ne m'ont pas vraiment remplacée pendant mon absence. Résultat : trois semaines et demi de congés, et j'ai au moins trois semaines de boulot à rattraper (je suis fonctionnaire, dans un bureau, ça va, c'est pas dur, mais je gère les dossiers de nombreux usagers, et y'en a quelques uns qui, je pense, ne vont pas tarder à m'appeler pour m'insulter parce que leurs demandes "traînent"... bref...).
Alors, j'ai bien vu que vous avez été très actifs pendant mon absence, mais je n'ai pas pris encore le temps de tout lire. Je vais d'abord faire redescendre la pression du taf, et je lirai (Rewinder, j'ai hâte de lire le premier couplet !).
En tous cas, je suis ravie de tous vous retrouver et de voir qu'on est de plus en plus nombreux !
A tout à l'heure, donc, sans doute (si j'arrive à me dépêtrer des dossiers sur le bureau happy )

Répondre au fil Retour