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Une deuxième vie

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J'ai été polytox pendant neuf ans, à me défoncer avec tout ce que je pouvais trouver pour oublier, me déchirer la tête. Ne plus savoir qui j'étais.
Une enfance très difficile, suivie d'une séquestration, viol, menace de mort par un psychopathe qui passait par là. J'avais tout juste 17 ans, et un très mauvais karma !
J'ai plongé dans le crack pendant deux mois non stop, aux usa, puis sursaut, instinct de survie, j'ai su que j'allais crever là, sur un trottoir, finir au tapin pour des pipes à dix dollars comme les autres.
Première cure de désintox, retour en France, rechute.
La rue, la coke et l'héro quand des potes en passaient, ou qu'il y avait des sous. Les amphétes, le palthium, quand il n'y en avait pas.
Et le tout additionné de lsd quand c'était la fête... Puis le skenan. A forte doses.

C'est l'état français qui m'a aidée, sous forme de cures en hôpital psy, de thérapies, de famille d'accueil, d'aides diverses. Et sérieux, allez faire une cure de désintox au crack dans un hôpital public us, dans des dortoirs de vingt lits, avec prières et séances de Na, Aa, Ca en continu, voir qu'il y a des mois d'attente pour avoir un lit, et vous verrez l'état français d'une autre manière !
En neuf ans, j'ai passé plus d'un an et demi en hôpital psy, en séjours de diverses durées.
Je me battais, je tenais quelques mois, puis retour à la rue, à la came.
Aux punks à chien et aux potes qui faisaient la mule pour quelques grammes.
Mes amis, qui partageaient cette galère, sont tous morts entre 30 et 35 ans.

Pas moi, j'ai eu de la chance.
La chance de pouvoir recommencer ma vie. Déjà, quand le subutex est sorti, ça a changé quelque chose. Franchement, c'est plus facile d'arrêter sous substitution. Meme si ça reste l'enfer.
C'est pas le manque physique le plus dur - pourtant j'ai tourné à 800mg de skenan par jour, le manque physique, je sais ce que ça veut dire...
C'est de tenir dans le temps, de reconstruire une vie, pas contre la drogue, juste pour soi. Enfin, pour moi, c'était ça le plus dur.

Puis j'ai eu droit à un miracle : je suis tombée enceinte, première fois de ma vie. Au bout de 4 ans d'aménorrhée, alors qu'une gynéco m'avait dit que je ne pourrais pas avoir d'enfant.
Le miracle, c'est que je l'ai senti, je m'en suis rendu compte, comme ça, je me suis levée un matin et je savais que j'étais enceinte. Juste enceinte de trois semaines.
Donc j'avais un vrai choix : tout arrêter et éléver mon enfant, ou avorter.
J'ai couru à l'hôpital psy pour décrocher sous subutex, et voir une gynéco. Je me connaissais : en manque, il fallait une grosse porte en fer entre moi et le reste du monde. Et je voulais prendre cette décision, une des plus importantes de ma vie, à jeun...

Bien sûr, les infirmiers qui me connaissaient bien ont pas été ravi de me voir enceinte.
Je prenais 24mg de subu par jour, au vu de ma consommation à l'extérieur. Cela pendant quinze jours, le temps de voir une gyneco et de faire le point.

Elle a confirmé que j'étais en tout début de grossesse, et que si j'arrêtais tout, maintenant, le bébé aurait les mêmes chances que les autres. Que mon organisme aurait le temps d'expulser toute la merde avant que son système nerveux ne se mette en place. Et qu'il y avait peu de chances pour que le bébé soit contaminé par mes multiples hépathites.
Alors je l'ai fait. Je me sentais capable de tout pour ce bébé. Et surtout, je voulais l'élever moi-même.
C'était il y a treize ans, on ne savait pas encore vraiment quels étaient les effets indésirables du subutex.
Alors pour mettre toutes les chances du côté de mon bébé, j'ai décidé d'arrêter le subutex.
Refus de l'équipe médicale. En même temps, j'ai su par ma gynéco qu'ils voulaient se servir de mon cas pour une étude. Sans me le dire. J'ai pas aimé.
Ils m'ont culpabilisée, me disant que si j'arrêtais le subu, je ferai du mal au foetus. J'étais enceinte d'un mois et demi.
Alors j'ai commencé à baisser le subu, toute seule, en cachette. C'est à dire que je devais prendre la dose devant une infirmière, et me l'enlever de la bouche dès qu'ils avaient le dos tourné.
Au bout d'une semaine, j'étais à 16mg, et je suis allée voir le médecin avec 8 subu machouillés, et je lui ai dit : "Voilà, ou vous m'aidez à décrocher proprement, ou je redistribue ça à tout le pavillon."
Du coup ils ont reconsidéré ma demande.

A dix semaines de grossesse, je ne prenais plus rien. Juste deux cachets d'oephytose - la tisane en comprimés.
J'ai souhaité avoir une grossesse très surveillée, à tous les niveaux, je passais un test de dépistage de drogues deux fois par mois, parce que je ne voulais pas qu'ils collent un éducateur à mon fils dès sa naissance, à cause de mes conneries.
L'hôpital m'a aidé à entrer dans une résidence pour mère-enfants. Tout se passait bien, mon fils est né, c'était magique !

Et quand il a eu trois mois, que je me suis rendu compte que tout allait bien, que je gérais parfaitement, tout m'a rattrapée.
Je passais mes nuits à rêver que je me shootais, à errer dans des squatts en ruine à la recherche de came tandis que j'entendais mon bébé pleurer quelque part. Je n'osais plus sortir de peur de croiser quelqu'un qui aurait de la came. L'horreur. Trahie par mon propre esprit, enfin, une partie de mon esprit.

Alors mon médecin m'a represcrit du subutex. 5mg. Et j'ai enfin pu me consacrer à ma nouvelle vie. Tout le temps de la grossesse, j'avais été portée par les hormones, et cette promesse de nouvelle vie en moi.
Mais j'ai réussi à tenir dans le temps, mon fils va avoir treize ans, je prends encore 4mg de subu par jour et un antidépresseur léger, et je suis heureuse comme je ne l'ai jamais été.

Je reste très humble face à l'addiction, je fais attention à ne pas me retrouver dans des situations conflictuelles - genre me retrouver dans une soirée où l'on m'offre une ligne. Je sais que j'aime ça, et je sais que pour moi c'est tout ou rien. Donc c'est rien.

J'ai gagné trop de belles choses pour ne serait ce que risquer de les perdre.
Depuis quelques années, je ne vis plus contre la drogue, mais juste pour moi.
Et ça, c'est la plus belle victoire.

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